Tarif social de l’eau : une fausse bonne idée !

Après la mise en place de la tarification sociale pour le gaz et l’électricité, du tarif social des crèches et des centres de loisirs, après «la cantine à 1 euro» annoncée dans Le JDD le Dimanche 7 avril, par la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Santé, Christelle Dubos, dont « la mise en application immédiate » reste pour l’heure sans réponse, le bruit court dans les couloirs du gouvernement du lancement prochain de l’expérimentation d’un « tarif social de l’eau ».

Reçu lundi dernier par Jean-Jacques Bourdin, François de Rugy n’a pas vraiment démenti parlant « d’une fuite d’eau » … Le projet serait donc à l’étude, il s’agirait de permettre aux collectivités de mettre en place une tarification sociale progressive tenant compte de la situation des ménages, selon la procédure prévue par la Loi du 15 avril 2013, dite ”Loi Brottes” !

Tout le monde se dit « pourquoi pas », « l’intention est bonne », bien sûr, l’eau doit être accessible à tous !
Moi, élu local, je vois derrière cette annonce, un dispositif social de plus (il y en a déjà 50 !) dans un « modèle social » déjà hyper complexe ! Je vois nos secrétariats obligés de demander aux habitants de justifier de leurs revenus pour accéder à l’eau potable ! Et j’imagine le très grand nombre d’habitants, qui, ne voulant pas communiquer leurs revenus, renonceront à cette aide sociale de plus !

Je suis contre toutes ces annonces qui ne font , au final, que mettre sous perfusion un peu plus chaque jour les ayant-droits, qui ne font qu’enrager ceux, qui mesure après mesure, avec les effets de seuil, n’ont jamais le droit à rien, et qu’assommer les collectivités locales en les transformant en inspecteur des ressources sociales et fiscales des familles, au lieu de leur permettre d’exercer leurs missions !

La solution n’est pas dans une mesure sociale de plus qui augmente encore les effets de seuils et la complexité administrative d’un « modèle social » qui n’est plus un modèle pour personne.

Il faut revenir aux fondamentaux !

La solution est dans la simplification des aides sociales (l’aide sociale unique) qui garantit la lisibilité de l’aide et la liberté des familles dans la gestion de leur budget, dans l’universalité qui garantit l’égalité, et dans la fiscalisation qui garantit l’équité et la fraternité entre les familles.

La solution est dans le retour aux fondamentaux, afin que chacun bénéficie de l’aide « selon ses besoins » et cotise « selon ses moyens », principe édicté après la guerre par les fondateurs de la sécurité sociale.
Cette simplification doit permettre à l’administration fiscale, à l’administration sociale et aux collectivités locales d’exercer leurs missions, rien que leurs missions, sans empiéter sur celles des autres. Une clarification nécessaire dont ont besoin les citoyens !

Simplifions !

La simplification sera source aussi d’économies car elle obligera à fusionner des organismes multiples qui, aujourd’hui, gèrent des dispositifs multiples.

Elle permettra de plafonner l’aide sociale afin qu’elle soit toujours inférieure au revenu du travail.
Elle mettra fin à des aberrations incompréhensibles … Dans un rapport parlementaire, le député (PS) du Val-d’Oise François Pupponi estimait que « 30 % des allocataires ne paient aucun loyer, car les aides au logement, avec le forfait charges, couvrent la totalité ». Je connais des familles dans ma commune pour lesquelles le montant des APL est même supérieur au montant du loyer !

Plutôt que de diminuer de 5 € toutes les APL, le gouvernement aurait été mieux inspiré de revoir le système !
Selon la Fondation iFRAP, la mise en place d’une allocation sociale unique (ASU) peut permettre d’économiser 10 milliards d’euros à la fois sur les frais de gestion et sur le versement des prestations.


Et si on mettait un peu de méthode dans nos recherches d’économies ?

A l’heure où l’Etat parle sans cesse de « faire des économies » mais n’en fait pas, je voulais ici faire quelques propositions de méthode !

Elles sont issues de mon passé de consultant en Analyse de la Valeur (Value Analysis), de mon métier de chef d’entreprise, et de mes expériences de Conseiller Général de la Gironde à la commission des finances, de Maire, de Président d’une communauté de communes rurales, puis de Conseiller Régional.

Pourquoi faire des économies dans le budget de l’Etat ?

L’Etat vit à crédit. Il reporte sur les générations futures le poids des déficits d’aujourd’hui.

Dans nos communes, le budget doit être équilibré et l’anuité d’emprunt doit être remboursée chaque année avec les ressources propres de la commune. Un Maire n’a pas le droit d’emprunter pour rembourser un emprunt. C’est ce que fait l’Etat chaque jour !

Pour mieux le masquer, l’Etat ne compare jamais son déficit au montant du budget. Il serait de 25% ! Il le compare toujours à la richesse nationale (PIB) ce qui donne un résultat plus admissible : 2 à 3% ! Cette année encore le déficit de l'Etat augmentera, alors qu'on nous explique qu'il baisse comparé à la richesse nationale...

A l’extrême gauche comme à l’extrême droite on explique que le déficit est une vue de l’esprit et qu’il suffit pour le combler, de produire de la monnaie… Pour ma part je suis peut-être vieux-jeu, mais je pense comme tout bon paysan, que le plus simple serait de dépenser moins qu’on ne gagne !

Faire des économies dans le budget de la nation a au moins trois objectifs :

  • dégager de l’épargne pour rembourser notre dette
  • affecter des moyens sur des fonctions qui, aujourd’hui, en manquent
  • financer les investissements utiles, notamment dans l’aménagement du territoire

Comment faire des économies ?

Consultant, puis directeur d’action, dans une PME spécialisée en Analyse de la Valeur, pendant dix ans j’ai eu l’occasion d’accompagner des entreprises, des administrations, dans leurs projets d’innovation. Ces méthodes de raisonnement pourtant éprouvées depuis plus d’un demi-siècle, ne sont pas enseignées dans les écoles de formation de nos fonctionnaires.

Parmi les principes de l’Analyse de la Valeur il y a de raisonner lorsqu’on dépense, "comme si c’était son propre argent" ! Un autre, est de briser les hiérarchies convenues et de constituer pour innover des groupes de travail pluridisciplinaires qui vont "de l’utilisateur jusqu’au concepteur"… du terrain jusqu’aux décideurs.

Mais le grand apport de l’Analyse de la Valeur est de raisonner par rapport au « service à rendre », la fonction, plutôt que par rapport au « service rendu », ou à la solution proposée. Le but est de se projeter dans l’avenir, de s’adapter aux nouveaux besoins, afin d’innover. C’est aussi d’éviter le travers de nos raisonnements qui consistent trop souvent à démonter les solutions, à les juger par rapport à leurs défauts, puis à les corriger, les amender. Mais à force de corriger les solutions sans se reposer la question du service qu'elles rendent, on les alourdit, on les complexifie, on les fragilise, … Or, comme le disait Pierre Dac : « Dans un monde en évolution il vaut mieux penser le changement que changer le pansement ».

Rien ne peut se faire sans définir et redéfinir l’objectif, le but, la fonction, le service à rendre !

Ce travail de redéfinition est essentiel et doit faire l’unanimité, tout le reste en découle. Il est d’ailleurs bien plus facile de faire l’unanimité sur un objectif que sur une solution. C’est politiquement très utile dans la gestion quotidienne.

Un fois le service à rendre clairement défini, alors, il reste à ouvrir le champ des possible pour trouver la meilleure solution pour le rendre ! Et là les gisements de progrès, d’innovation, d’amélioration du service rendu, sont énormes dans le fonctionnement, comme dans les investissements !

Les progrès sont d’autant plus importants que les solutions sont âgées et complexes, or, les solutions mises en œuvre par l’Etat et les collectivités territoriales n’ont pas été remises en cause depuis des lustres !

L’analyse de la valeur permet de faire la part des choses entre ce qui est directement utile à l’utilisateur, au public, et ce qui est de la fonction de conception ou d’administration et qui peut être corrigé, optimisée, parfois supprimé. L’objectif est de diminuer les moyens alloués sans changer le service rendu, voire en augmentant la qualité du service.

C’est tout le contraire des pratiques de l’Etat qui est un grand utilisateur de la méthode du rabot.

Les dangers de la méthode du rabot !

La méthode du rabot consiste à faire des économies sans avoir pris le temps de l’analyse préalable du service à rendre. On coupe partout sans regarder et sans savoir pourquoi. Résultat : on dégrade le service rendu au public, on supprime des fonctionnaires sans discernement, on fusionne des collectivités sans définir leurs compétences, on transfert des compétences qu’on n’a pas optimisées, on ferme des services publics. C’est la politique du chiffre.

Symptôme d’un Etat qui n’arrive pas à se réformer, les « trésoreries ».

A quoi servent les trésoreries ? Ce sont des administrations pas forcément connues du grand public réparties sur tout le territoire national. La direction des finances publiques et du budget compte, en France, près de 140000 fonctionnaires.

  • Elles permettent aux collectivités locales de recevoir leurs recettes et d’acquitter leurs dépenses. Pour le faire, les collectivités locales continuent à rédiger des mandats et des titres, comme au XIXème siècle. Les titres et les mandats sont signés par le maire, ou le président, envoyés à la trésorerie la plus proche où quelqu’un les contrôle, puis les active… Le processus de gestion des mandats et des titres occupe, dans notre beau pays entre 50 et 70000 personnes !
  • Elles assistent les collectivités locales dans l’élaboration de leurs budgets.
  • Elles réalisent pour chaque collectivité locale les « comptes de gestions » qui sont la copie exacte des « comptes administratifs » réalisés par les collectivités locales elles-mêmes.
  • Elles conseillent et assistent les collectivités locales dans l’établissement de ces différents documents et dans leurs choix de gestion.

Depuis plusieurs années déjà, les trésoreries ferment un peu partout. Notamment en zone rurale.

Les trésoreries ferment, mais elles restent le passage obligé pour les collectivités locales. C’est la méthode du rabot : dégradation du service public, allongement des délais de paiement des collectivités locales, éloignement pour les contribuables les plus vulnérables qui ne peuvent pas payer leur dû par internet, perte de conseil pour les Maire Ruraux car leur trésorier, chargé désormais d’une multitude de collectivités, n’a plus le temps d’exercer sa mission dans de bonnes conditions. Les régies, faute d'être portées souvent à la trésorerie, grossissent en mairie.

Pour résoudre le problème d’éloignement, au lieu de simplifier et de moderniser, l’Etat propose de numériser … numériser les mandats et les titres ! On continue donc, dans les collectivités à rédiger des mandats et des titres en double exemplaire, mais, au lieu de les poster, on les scanne et on les adresse par internet à la trésorerie !

Pourtant, si l’on prend chacune de ces fonctions séparément, il existe des solutions pour permettre d’améliorer le service rendu et de faire des économies budgétaires conséquentes !

  • Autoriser les collectivités locales à ouvrir un compte dans la banque de réseau la plus proche : ainsi on cessera de faire des kilomètres pour aller porter le produit des régies à la trésorerie qui, année après année, s’éloigne ;
  • Autoriser les collectivités locales à recouvrer elle-même les recettes et à régler elle-même leurs dépenses : virement, carte bleue, chèque, autant de moyens de paiement et d’encaissement que les collectivités locales ne connaissent pas. Que dire de paypal, lydia … C’est de la science fiction !
  • Autoriser les collectivités locales à faire appel au service d’un expert comptable préalablement formé à la comptabilité publique ; Il y a des experts comptables sur tout le territoire !

Ces solutions de bon sens permettraient tout à la fois d’améliorer le service public, d’améliorer les délais de paiement et d’encaissement, de réduire les distances pour le contribuable et pour les collectivités locales, de participer au développement local en faisant travailler les banques de réseaux, les experts comptables et de faire des économies substantielles dans le budget de la nation (entre 1,5 et 2,1 milliards d’€uros).

Cette solution est-elle sécurisée ?

J’ai évoqué cette solution avec plus d’un haut-fonctionnaire ! Notamment avec des représentants de la Direction des Finances Publiques. On m’a répondu : « Vous êtes un révolutionnaire ! Vous voulez mettre fin au principe de séparation entre l’ordonnateur et le payeur » ! Diantre !

Et puis l’un d’eux m’a dit : « Mais comment dans ce cas contrôler les élus ! ». Puis il insista : « Oui, mais en cas de détournement »… Alors je lui ai raconté l’histoire de mon ami élu, maire et président d’un syndicat d’adduction d’eau, en Entre-Deux-Mers.

La Directrice du Syndicat collectionnait les sacs à main de luxe. Pour pouvoir assouvir son insatiable désir d’en acquérir de nouveaux, elle a commencé à faire signer à son président des mandats, en double exemplaires, l’un avec le RIB de l’entreprise qui effectuait les travaux pour le syndicat, et l’autre avec le RIB de l’entreprise de son mari. Au fil des années elle a détourné ainsi près de 800 000 € sans que ni le président, ni le Trésorier, ni même son mari ne s’en aperçoivent.

Lorsque l’affaire a été jugée, elle a avoué les faits, reconnu qu’elle avait agi seule. Le président du syndicat a été condamné « in solidum » à rembourser les sommes avec sa directrice. Le Trésorier, fonctionnaire de l’Etat, censé veiller à la bonne exécution des budgets, lui, non seulement n’a pas été condamné ni même inquiété, mais il a été promu dans la sud de la France !

J’ai la ferme conviction qu’avec l’organisation que je propose, plus simple, plus lisible, la supercherie n’aurait pas été possible. Le président aurait inscrit « bon pour paiement » sur une facture et signé un seul chèque !

Conclusion

Il y a comme cela, dans notre beau pays, un certain nombre de gisements d’économies, des pépites de bureaucratie, des conglomérats de tâches qui ne rendent pas directement service au public et que l’on peut réorganiser pour se concentrer sur les tâches les plus directement utiles. Il y a des processus qu’il convient de revisiter en ayant, au préalable, redéfini le service « public », la « compétence utile », le « but ». L’analyse de la valeur est une méthode éprouvée qui permet de découvrir ces gisements d’économies et de les exploiter en s’attaquant à la fonction de conception, d’organisation ou d’administration. Le résultat est triple : on améliore le service, on économise les moyens et on augmente l'intérêt des fonctionnaires pour leur travail !

Pour les hommes et les femmes de bonne volonté il y a un chemin pour simplifier notre administration, lutter contre la bureaucratie, et, tous ensemble, faire des économies ! Il faut le faire avec discernement, en associant tous les acteurs, pour économiser les moyens sur les processus qui ne sont pas directement utiles au citoyen.

NB : Vous pouvez voter sur un certain nombre de propositions concernant les trésoreries dans notre espace votation, sur ce site.


Fusion des Régions : Le constat d’un processus laborieux

La Loi NOTRe de 2015 a ramené le nombre de Région de 22 à 13. La Nouvelle Aquitaine est ainsi le fruit de la fusion de l’ex Région Aquitaine, de l’ex Région Poitou-Charentes et de l’ex Région Limousin.

Région la plus grande de France, la Nouvelle Aquitaine compte aujourd’hui près de 5,8 millions d’habitants et pilote désormais de grandes politiques publiques d’aménagement du territoire et de développement économique.

Mais 3 ans après la fusion, le bilan est sévère et le constat cruel : les charges de personnel sont plus élevées en Nouvelle Aquitaine que sur l’ensemble des Régions, l’endettement de la région à exploser et la fiscalité s’est alourdie. La conséquence directe de l’augmentation de ces dépenses de fonctionnement est la baisse des budgets dédiés au développement rural, à l’aménagement du territoire et au développement économique.

A cela s’ajoute un processus laborieux d’harmonisation dans les dispositifs d’aide et la mise en place de règlements d’intervention uniformes sur l’ensemble des territoires ne traduit pas aujourd’hui d’une volonté de la majorité régionale de gérer de manière courageuse et ambitieuse la Nouvelle Aquitaine. En effet, les dispositifs sont lourds, complexes, opaques et sans lisibilité. C’est un véritable parcours du combattant pour les entreprises, les collectivités ou les associations pour vérifier l’éligibilité de leur projet à l’aide régionale.

Par ailleurs, les élus sont peu ou pas associés à la mise en place des politiques contractuelles et la Région devient ainsi le premier échelon des collectivités où l’administratif à autant de pouvoir. Certes les élus votent ces dispositifs, s’obtiennent ou formulent leur opposition mais ils leur sont communiqués souvent tardivement et ces dispositifs régionaux ne sont pas le résultat d’échanges d’idées où la voix des différents formations politiques pourrait avoir tout son sens.

Aucun des 183 élus qui composent l’assemblée régionale ne peut dire « je connais tous les dispositifs d’aide ». On a donc nécessairement perdu en efficacité, en transparence et le lien indispensable entre le Conseiller Régionale et son territoire existe mal.

Cette organisation mise en place par la majorité socialiste au sein de la Région Aquitaine est archaïque et ne place donc pas la Nouvelle Aquitaine dans des perspectives de développement à hauteur de ce qu’elle pourrait prétendre.

Enfin, si l’objectif était de donner plus de force et de cohérence à cet échelon administratif à l’image des Lander allemands dans le cadre d’une vision européenne des régions, elles n’ont pas acquis la puissance qui pourrait leur permettre de peser dans le concert européen : la Région Nouvelle Aquitaine ne fait pas exception à ce constat par manque d’ambition de la majorité.