Ce qui est bon pour l’agriculture est bon pour les Français, bon pour la France et bon pour la planète

Alors que l’édition 2023 du Salon de l’Agriculture s’achève, David Lisnard, Maire de Cannes et Président de Nouvelle Énergie, et Yves d’Amécourt, ancien élu local de Gironde, évoquent les solutions à adopter pour lutter contre le déclassement agricole de la France et pour venir en aide aux agriculteurs.

Le Salon de l’Agriculture, cette magnifique vitrine de l’agriculture française, a fermé ses portes ce dimanche. Pendant huit jours, plusieurs centaines de milliers de visiteurs ont pu venir y découvrir des animaux sélectionnés dans tout le pays, des producteurs venus des quatre coins de France pour présenter fruits et légumes, semences et céréales, vins et fromages, produits transformés, bois et forêts, des laboratoires de recherches, représentants des filières, fournisseurs, venus présenter leurs savoir-faire, les dernières technologies et les nombreuses innovations etc.

Cet événement à la fois impressionnant, intense et convivial est aussi l’occasion d’évoquer la réalité de la situation des paysans, des agriculteurs, des exploitants forestiers et des différentes filières qui forment le secteur agricole français. Un secteur d’excellence.

Dans les années 1950, le Secrétaire à la Défense américain Charles Wilson avait prononcé cette phrase restée célèbre : « ce qui est bon pour Général Motors est bon pour le pays ». La même chose pourrait être dite pour l’agriculture en France : « Ce qui est bon pour l’agriculture, est bon pour la France ». Peut-être même pourrait-on ajouter sans rougir : « … pour les Français, et pour la planète ».

Chaque année, le magazine britannique « The Economist » publie l’indice de durabilité des modèles agricoles et alimentaires dans le monde. Notre agriculture est bien souvent dans le trio de tête, si ce n’est la première au palmarès.

Première puissance agricole européenne et cinquième mondiale, la prospérité de la France est indissociable de celle de son agriculture. A l’heure où la balance commerciale affiche un déficit record, l’agriculture et l’agro-alimentaire affichent -encore- un excédent commercial. C’est même le deuxième contributeur après l’aérospatial et devant les cosmétiques et le luxe. Mais pour combien de temps ?

S’il n’y avait, pour la rendre excédentaire, l’exportation des céréales, des vins et des spiritueux, la balance commerciale agricole de la France serait largement déficitaire.

La France importe plus du double de denrées alimentaires aujourd’hui qu’en l’an 2000, soit 63 milliards d’euros. La France importe 60 % des fruits qu’elle consomme. 40 % des légumes. 50 % de la viande blanche et 25 % de la viande rouge.

La surface en blé a reculé de 3 % encore en 2022, alors que la guerre en Ukraine aurait dû inciter à la développer. Les surfaces en maïs irrigué ont baissé de 18,5 %… La collecte laitière a reculé de 3 à 4 % selon les régions.

Comme pour mieux cacher ce déclin, le ministère de l’Agriculture a été, pour la première fois rebaptisé ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire !

Si l’on n’y prend pas garde, l’agriculture française pourrait bien suivre le même sort que notre industrie. Ce qui serait un immense gâchis. Le nombre d’exploitations agricoles a diminué de 60 % en 30 ans.

Les causes de ce déclin sont multiples :

– La distorsion de concurrence au profit de pays qui ne respectent pas les mêmes standards, notamment au sein de l’Europe en raison de normes françaises plus contraignantes ; A titre d’exemple, en octobre 2021, 454 « matières actives » étaient autorisées en Europe contre seulement 309 en France… alors que le marché est commun !

– Les dérives de la PAC, qui est devenue une vaste politique environnementale, ni vraiment agricole, ni vraiment commune, qui agit a contrario de la souveraineté alimentaire du continent et de la France. Pourtant, le 2 novembre 2017, quelques mois après son élection, Emmanuel Macron, dans son discours remarqué de la Sorbonne, avait appelé de ses vœux une PAC[1] qui « nous protège des aléas de mettre en péril la souveraineté alimentaire de l’Europe » …

– La forte exposition des agriculteurs aux aléas climatiques, sans que le système assurantiel, bien que récemment réformé, ne soit pleinement efficace ;

– La multiplication des entraves au bon exercice de l’activité agricole au nom d’une vision idéalisée de la ruralité, qui contribue aux difficultés quotidiennes des agriculteurs.

– L’incapacité qu’a la France de rémunérer justement les agriculteurs malgré les différentes tentatives ; la dernière en date est la loi EGALIM qui n’a pas atteint le but escompté mais a créé encore de nouvelles contraintes ; Près d’un quart des agriculteurs vit sous le seuil de pauvreté, et en 30 ans, le revenu net de la branche agricole a baissé de près de 40 % en France en euros constants. Le bien être dans le monde agricole est une source d’inquiétude particulière, ce dont témoigne le taux de suicide dans la profession.

– Une bureaucratie et une complexité administrative toujours plus grandes et plus pesantes ; Les agriculteurs passent tous en moyenne 9 heures par semaine à remplir des formulaires pour 57 heures de travail hebdomadaire et 12% d’entre eux sont même occupés plus de 15 heures par semaine par des papiers administratifs. La bureaucratie est un fléau, plus encore en agriculture qu’ailleurs.

– A cela s’ajoute l’augmentation récente du prix de l’énergie (électricité, carburants) et, par voie de conséquence, l’augmentation des intrants (alimentation, engrais, produits phytopharmaceutiques) ;

Si le déclassement agricole de la France n’a pas commencé avec cet Exécutif, celui-ci n’est toutefois pas parvenu à l’enrayer.

Les solutions ne sont certes pas simples mais elles existent.

– L’alignement de la France sur les normes européennes qui régissent le marché commun ; L’interdiction de la surtransposition ; et l’interdiction d’importer en Europe des productions dont on interdit la production sur notre sol ;

– La création dans chaque exploitation d’un compte épargne aléas climatiques et économiques comme nous le proposions déjà en 2021, après les épisodes de gel ;

– La négociation d’une nouvelle PAC avec comme objectif principal la souveraineté alimentaire de l’Europe et de la France d’une part, et l’augmentation de nos exportations vers le reste du monde, d’autre part ; A côté de la diplomatie des avions et des armes, la France doit inventer une diplomatie des productions agricoles ;

– L’implantation d’industries de 1ère et 2ème transformations des productions agricoles et forestières sur l’ensemble du territoire afin de ramener sur le sol français la valeur ajoutée issue de notre agriculture que le pays a laissé filée depuis quelques dizaines d’années ;

– Le transfert d’une partie des prélèvements sociaux et fiscaux vers la valeur ajoutée afin d’augmenter les rémunérations de nos agriculteurs et de leurs salariés et rendre attractif les métiers de la terre ; la juste rémunération du service rendu au climat par les agriculteurs et forestiers, qui séquestrent et stockent le carbone, produisent de la biomasse comme substitut aux énergies fossiles ;

– Lutter résolument contre la bureaucratie et l’inflation des normes et des règlements pour redonner du temps et de la liberté aux agriculteurs ;

– Simplifier le statut de l’exploitation agricole afin qu’elle puisse dans une même entité réaliser toutes les activités rurales : gestion foncière, exploitation agricole et forestière, production d’énergie, immobilier et entretien du patrimoine, participation positive au bilan carbone de la planète ;

– Développer la recherche et l’innovation au sein même des exploitations grâce au crédit impôt recherche ;

Le succès jamais démenti du Salon de l’Agriculture montre à quel point nous restons attachés à cette activité noble et fortement ancrée dans nos terroirs et dans l’esprit français. Cela ne doit pas être qu’une tradition. Nous avons pour devoir deréfléchir à ce qui est bon pour l’agriculture au plus près de la réalité de ce que vivent ceux qui y travaillent.

Car ce qui est bon pour l’agriculture, est bon pour les Français, bon pour la France, et bon pour la planète !

Lire cette tribune sur le site ATLANTICO


[1] Politique Agricole Commune


la mise en valeur des ressources en eau (Rapport mondial des Nations Unies du 22 mars)

A l'occasion de la journée mondiale de l'eau du dimanche 22 mars, le RELPA vous propose cette présentation du rapport mondial de l’ONU publié par l'UNESCO sur la mise en valeur des ressources en eau. Le rapport complet est disponible sur ce lien.

Les changements climatiques affecteront la disponibilité, la qualité et la quantité d’eau nécessaires aux besoins humains élémentaires, portant ainsi atteinte à la jouissance des droits fondamentaux à l’eau potable et à l’assainissement de milliards de personnes, avertit le nouveau Rapport mondial de l’ONU sur la mise en valeur des ressources en eau, dont les auteurs appellent à un engagement plus concret des États pour relever ce défi.

Une telle détérioration de la situation risque d’entraver l’Objectif numéro six du Programme de développement durable de l’ONU à l’horizon 2030, qui vise à garantir l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous d’ici dix ans. Alors que d’ores et déjà 2,2 milliards de personnes ne disposent pas d’un accès à l’eau potable et que 4,2 milliards - soit plus de la moitié de la population mondiale - sont privées de systèmes d’assainissement sûrs, le défi est considérable.

La consommation d’eau, qui augmente d’environ 1% par an, a été multipliée par six depuis un siècle. Les changements climatiques, et l’augmentation des événements extrêmes qu’ils provoquent – tempêtes, inondations, sécheresses –, aggraveront la situation des pays en situation de « stress hydrique ». Ils détérioreront aussi celle des régions actuellement bien pourvues en ressources en eau. Le rapport souligne également qu’une mauvaise gestion de l’eau tend à exacerber l’impact des changements climatiques sur la société dans son ensemble.

Pour la Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, « on aurait tort de ne voir la question de l’eau que sous l’angle d’un problème ou d’une insuffisance. Une meilleure gestion de l’eau peut appuyer les efforts visant à atténuer et à s’adapter aux effets des changements climatiques ».

Le Président d’ONU-Eau et du Fonds international de développement agricole (FIDA), Gilbert Houngbo, estime pour sa part que « si nous sommes vraiment déterminés à limiter l’augmentation de la température mondiale à moins de deux degrés Celsius et à réaliser les Objectifs de développement durable (ODD) pour 2030, nous devons agir immédiatement. On dispose de solutions de gestion de l’eau et du climat mieux coordonnées pour lesquelles chaque secteur de la société a son rôle à jouer. On ne peut plus se permettre d’attendre ».

Effets sur la santé, menace pour la biodiversité

L'augmentation de la température de l'eau, la diminution de l'oxygène dissoute entraîneront la diminution de la capacité d'autoépuration des bassins d'eau douce et affecteront ainsi la qualité de l’eau : risques accrus de pollution de l'eau, contamination pathogène causés par les inondations ou par des concentrations plus élevées de polluants pendant les périodes de sécheresse. Outre l’impact sur la production alimentaire, les effets sur la santé physique et mentale - liés aux maladies, aux dommages corporels, aux pertes économiques et aux déplacements de population - risquent, par conséquent, d’être considérables.

De nombreux écosystèmes, en particulier les forêts et les zones humides, sont également menacés, réduisant la biodiversité. L'approvisionnement en eau sera affecté, non seulement pour l'agriculture - qui absorbe 69% des prélèvements d’eau douce –, ainsi que pour l’industrie, la production d’énergie ou même la pêche.

Les zones les plus à risque : archipels, montagnes, tropiques et Grand Nord

Une grande partie des effets des changements climatiques sur la ressource en eau se manifestera dans les zones tropicales, où se trouve la plupart des pays en développement, avec des conséquences potentiellement apocalyptiques pour les petits États insulaires dont certains seront probablement rayés de la carte. Les régions montagneuses et septentrionales sont aussi particulièrement vulnérables aux changements climatiques, alors que les glaciers et les neiges éternelles fondent presque partout dans le monde. Les auteurs reconnaissent toutefois qu’un certain nombre d’incertitudes demeurent, particulièrement à l’échelon local et s’agissant de la variabilité de l’évolution des précipitations selon les saisons.

Les solutions proposées : adaptation et atténuation

Face aux menaces, le rapport met en avant les deux stratégies complémentaires à mettre en œuvre, l’adaptation et l’atténuation :

·         L'adaptation englobe une combinaison d'options naturelles, techniques et technologiques, ainsi que des mesures sociales et institutionnelles pour atténuer les dommages et exploiter les quelques conséquences positives des changements climatiques. Elle est susceptible d’avoir des retombées favorables très rapides, principalement au niveau local.

·         L'atténuation comprend les interventions humaines nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) tout en exploitant les puits de carbone afin de diminuer la quantité de CO2 et autres GES présente dans l’atmosphère. Elle concernera de vastes zones géographiques mais avec des effets dont la montée en puissance pourra s’étaler sur des décennies. Or, les possibilités d'atténuation en matière de gestion de l’eau restent notoirement méconnues.

Mieux gérer les eaux usées

Ainsi, le traitement des eaux usée contribue aux changements climatiques dans la mesure où il est générateur de GES dans une proportion estimée entre 3 et 7% des émissions. Ces dernières proviennent à la fois de l’énergie nécessaire et des procédés biochimiques utilisés dans le traitement des eaux usées. Mais, du fait de la décomposition de la matière organique qu’elles contiennent, les eaux usées non traitées sont aussi une importante source de méthane, un puissant gaz à effet de serre. Le rapport souligne que les eaux usées contiennent plus d’énergie que ce qui est nécessaire à leur traitement, à condition, bien sûr, de l’exploiter. Or, on estime qu’entre 80 et 90% des eaux usées sont rejetées sans traitement à travers le monde.

Concrètement, une gestion optimale de la ressource en eau implique d’investir dans des techniques modernes de traitement capables de tirer le méthane de la matière organique et ainsi générer l’énergie nécessaire au processus sous forme de biogaz, comme cela se fait déjà dans des pays en pénurie d’eau comme la Jordanie, le Mexique, le Pérou ou la Thaïlande. Ces techniques ont permis aux services publics concernés de réduire les émissions de milliers de tonnes de CO2 tout en réalisant des économies financières et en améliorant la qualité du service.

Le rapport mentionne aussi des interventions novatrices en matière de gestion de l'eau telles que le captage du brouillard, ou, plus classiques, comme la protection des zones humides, en passant par les techniques agricoles dites « de conservation » ayant fait leur preuve. Ces dernières permettent de préserver la structure des sols, la matière organique et l’humidité en dépit d’une moindre pluviométrie. De même, la « réutilisation » des eaux usées et partiellement traitées pour l’irrigation ou pour l’industrie est une voie intéressante car elle ne nécessite pas de les rendre potables.

Considérer la problématique de l’eau comme une priorité

Malheureusement, constatent les auteurs, si la nécessité de lutter contre les changements climatiques par une meilleure gestion du cycle de l'eau est bien reconnue, elle ne se traduit pas dans les faits. « Le mot ’’eau’’ apparaît rarement dans les accords internationaux sur le climat », relève Audrey Azoulay. Les « contributions déterminées au niveau national », soumises par les États dans le cadre de l'Accord de Paris, demeurent d’ordre général sans proposer de plans spécifiques pour l'eau. Si une majorité de pays reconnaissent l'eau dans leur « portefeuille d'actions », moins nombreux sont ceux qui ont estimé les coûts de ces actions et moins nombreux encore ceux qui ont mis en avant des projets précis. Quant aux synergies possibles entre les mesures d'adaptation et d'atténuation, elles sont souvent négligées.

Mobiliser des financements

Les auteurs soulignent que la gestion des ressources en eau et les services d'approvisionnement en eau et d'assainissement sont sous-financés, ce qui nécessite une plus grande attention de la part des États. Selon eux, il existe de plus en plus de possibilités d'intégrer systématiquement la planification de l'adaptation et de l'atténuation dans les investissements dans le domaine de l'eau, de manière à rendre ces opérations plus attrayantes pour les bailleurs de fonds.

Un bon exemple à cet égard est donné par un projet de fonds vert pour le climat au Sri Lanka. Celui-ci visera à améliorer les systèmes d'irrigation de communautés villageoises vulnérables et à encourager des pratiques agricoles intelligentes face au climat dans trois bassins fluviaux, offrant à la fois des avantages d'adaptation au climat et d'atténuation, tout en conservant l'eau et en protégeant les sources d'eau potable.

Diverses initiatives liées à l'eau et aux changements climatiques peuvent également apporter des avantages connexes, tels que la création d'emplois, l'amélioration de la santé publique, la réduction de la pauvreté, la promotion de l'égalité des sexes et l'amélioration des moyens de subsistance, ce qui renforce encore leur attractivité aux yeux des bailleurs.

L'adoption de mesures intégrées d'adaptation et d'atténuation est une proposition gagnant-gagnant, estiment enfin les auteurs du rapport. Elles sont bénéfiques pour la gestion durable des ressources en eau et pour le droit humain à l'eau potable et à l'assainissement. Elles s'attaquent en outre directement aux causes et aux conséquences des changements climatiques, y compris dans la réponse à apporter face aux phénomènes météorologiques extrêmes. Elle contribue enfin à la réalisation de plusieurs des Objectifs de développement durables.

Le Rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau, rapport phare d'ONU-Eau sur les questions ayant trait à l'eau et à l'assainissement, traite un thème différent chaque année. Il est publié par l'UNESCO, au nom d'ONU-Eau, et son élaboration est coordonnée par le Programme mondial pour l'évaluation des ressources en eau de l'UNESCO. Lancé à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau, le rapport fournit aux décideurs des connaissances et des outils pour formuler et mettre en œuvre des politiques durables dans le domaine de l'eau.

https://fr.unesco.org/news/ressources-eau-joueront-role-cle-face-aux-changements-climatiques