Les recycleries donnent une deuxième vie aux objets … mais pas seulement !
Le modèle de production et de consommation fait la part belle aux objets qui possèdent des cycles de vie court et peuvent ainsi être renouvelés rapidement au gré des innovations technologiques ou des changements de mode.
Chaque français produit ainsi près de 600 kg de déchets par an. Près de la moitié de ces déchets sont déposés en déchetterie, et si certains d’entre eux trouvent facilement leurs filières de valorisation, d’autres méritent d’être captés en haut de quai pour débuter une deuxième vie, soit par le biais d’un réemploi direct, éventuellement après réparation, soit au travers d’un détournement pour les transformer en objets de décoration par exemple.
Cette pratique s’inscrit directement dans l’esprit de la réglementation européenne qui instaure une hiérarchisation des modes de traitement des déchets en privilégiant d’abord la prévention, puis le réemploi, avant le recyclage et l’élimination.
Les objets ainsi récupérés ne représentent qu’une faible partie des flux (5 à 10 % tout au plus), mais ils contribuent grandement à trois autres objectifs :
- Les recycleries dans lesquelles ils sont revendus sont des acteurs importants de la pédagogie de gestion des déchets auprès du grand public ;
- Les objets récupérés et revendus le sont généralement à des prix faibles qui permettent d’assurer l’accès de personnes modestes à des biens d’occasion encore en état de fonctionner ;
- Les missions de nettoyage, tri, conditionnement, remise en état ou customisation des objets emploient une main d’œuvre issue du secteur de l’insertion qui trouve ici un moyen de remettre un pied dans le marché du travail.
Sur ce dernier point, on ne peut d’ailleurs que souligner le très bon taux de retour à l’emploi des salariés en insertion passés par les recycleries, taux qui atteint les 75 %. Le nombre d’emplois potentiels pour la gestion de ces déchets devenus objets de récupération avoisine 3 pour 10 000 habitants, ce qui est loin d’être négligeable.
Le modèle économique des recycleries est globalement équilibré (hors prise en compte des subventions de l’Etat et des Départements au titre de l’insertion), même s’il demeure fragile et très sensible aux décisions prises dans le domaine de l’insertion. Les coûts de fonctionnement d’une recyclerie sont en général couverts par les produits issus de la revente des objets et les économies dégagées sur le traitement des déchets sortis des filières d’enfouissement.
Le principal écueil est ailleurs. Il réside essentiellement dans les difficultés de gestion du personnel. En effet, le travail avec du personnel en insertion est déjà en soi plus complexe. Si l’organisme gérant la recyclerie veut s’acquitter sérieusement de ses responsabilités vis-à-vis des personnels accueillis en insertion, il va tenter de faire suivre un parcours qualifiant ou professionnalisant à son salarié. Vu le coût de la formation et le temps nécessaire, au terme de ce parcours, l’employeur sera évidemment tenté de conserver l’agent, ce qui bloque une place d’insertion, l’objectif étant la réinsertion dans le secteur marchand concurrentiel et non au sein des recycleries elles-mêmes. Il manque clairement une stratégie régionale sur la définition des parcours qualifiants pour offrir des perspectives aux publics accueillis en insertion et sécuriser les collectivités sur les débouchés.
Pourquoi ne pas adosser des centres de formations dans des métiers en pénurie de main d’œuvre à un réseau des recycleries régionales ? On peut penser à la filière du travail du bois dont la production est très présente dans notre région, ou aux métiers de la réparation notamment de l’électroménager.
Le chef de file pour porter ce type de projet ne peut être que la Région au titre de trois de ses compétences au moins : la formation, l’économie et la planification de la gestion des déchets.
Il est ensuite nécessaire de développer un vrai réseau des déchèteries qui restent encore trop peu nombreuses et que les collectivités locales en charge de la collecte devraient développer. Or, ces projets sont encore trop souvent perçus par les élus locaux comme risqués, coûteux et contraignants. Ils ne sont assurément pas de tout repos, mais la lutte pour la réduction des déchets enfouis ou incinérés, si elle permet en outre de travailler à la réinsertion dans un vrai parcours professionnel de personnes éloignées du marché de l’emploi, mérite sans doute un investissement plus fort des élus locaux !