Un élu nous écrit : « Notre territoire est à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et souhaite passer à la redevance incitative (RI). Que faut-il en penser ? »
Nos experts vous répondent
Aussi curieux que cela puisse paraître, la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qui finance l’élimination des déchets de consommation, est prélevée auprès du propriétaire à travers la taxe foncière (donc sur la taille de la maison et de sa valeur locative) et en cas de location, le propriétaire-bailleur a ensuite le droit de la récupérer auprès du locataire.
Curieux car qui accepterait aujourd’hui de payer ses factures d’eau, d’électricité ou de téléphone en fonction de tels critères ? Personne, pour la simple et bonne raison que personne ne voudrait assumer les gaspillages auxquels un tel système aboutirait !
Face à cette situation, les deux lois Grenelle puis la loi de transition énergétique ont tenté de réformer ce système en introduisant un nouveau dispositif : la tarification incitative.
Cette nouvelle possibilité offerte aux collectivités pour facturer les déchets ménagers et assimilés se décline en deux options possibles :
- la taxe incitative (TEOMi) qui vient moduler le montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères par une part variable fonction de la quantité de déchets produits
- ou la redevance incitative (REOMi) qui substitue à la taxe une redevance composée d’un abonnement et d’une facturation fonction de la quantité de déchets produits.
Très peu de collectivités ont fait le choix de la TEOMi qui reste complexe à mettre en œuvre et dont les effets en terme de réduction des déchets sont significativement inférieurs à ceux d’une REOMi. Nous consacrerons donc la suite de l’article à la REOMi.
Le principe parait simple et est donc finalement bien connu des habitants du territoire puisqu’il ressemble très fortement au principe de fonctionnement des services d’eau, d’assainissement, d’électricité ou de téléphonie, en résumé, à tous les services à caractère industriel et commercial.
Or, force est de constater que l’accueil des usagers est souvent très peu enthousiaste – pour ne pas dire carrément sceptique – dans les collectivités qui ont le courage de se lancer dans cette importante réforme de la fiscalité locale. C’est que la mise en place de la redevance incitative souffre de plusieurs malentendus qui brouillent le message et génèrent des polémiques :
- la plupart des usagers ne savent pas qu’ils paient une taxe pour l’enlèvement de leurs déchets, la ligne étant noyée sur la feuille d’impôts fonciers. Ceux qui connaissent l’existence de la TEOM sont en général dans l’incapacité de donner son montant, même approximatif. Dès lors, les usagers ont souvent l’impression de se voir imposer une nouvelle charge financière, sans nécessairement bien comprendre que la REOMI vient en substitution de la TEOM classique.
- L’effet de changement de modèle fiscal est prédominant par rapport à l’effet incitatif. En clair, un ménage bon trieur peut voir sa contribution augmenter au moment du passage à la REOMi, alors qu’un ménage mauvais trieur peut la voir baisser. Et même si le ménage mauvais trieur paiera toujours plus que le bon trieur dans la nouvelle formule de redevance incitative, le message est parfois compliqué à faire passer. Ces situations ne sont pourtant pas à mettre sur le compte de la REOMi, mais plutôt sur celui de la TEOM dont le mode de calcul est déconnecté de la production de déchets.
- Contrairement à ce qui est parfois expliqué pour faire passer le projet, la redevance incitative ne permet pas de faire baisser globalement la fiscalité des déchets. Les économies réalisées par la réduction de la production de déchets sont en effet largement absorbées par les dépenses nouvelles sur les filières de recyclage ou sur l’augmentation des taxes prélevées par l’Etat, TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) en tête !
Pourtant, la REOMi ne manque pas d’intérêts ! Elle permet d’abord de façon certaine de réduire de l’ordre de 30 à 40 % la production d’ordures ménagères, ce qui est tout à fait remarquable et qui soutient la démonstration que la responsabilisation du producteur est un bon moyen de faire baisser les quantités de déchets.
Elle génère également une prise de conscience très forte du coût de gestion des déchets chez l’usager. La facture moyenne tourne actuellement autour de 90 à 120 € par personne, ce qui représente au final assez peu eu égard aux quantités traitées, aux techniques mises en jeu et aux enjeux environnementaux liés.
En revanche, elle rend la situation de l’élu en charge des déchets bien moins confortable que dans le système de la taxe ! Elle oblige d’abord à la transparence sur les coûts et permet les comparaisons entre collectivités voisines. Elle augmente le degré d’exigence des usagers qui souhaitent obtenir un service qualitatif pour le prix le moins élevé possible. Or, si la redevance incitative produit réellement ses effets, et que la production de déchets diminue régulièrement, la collectivité sera obligée, pour maintenir constant son produit financier, d’augmenter régulièrement ses tarifs, ce qui rend la récompense des efforts fournis par les habitants difficilement lisible. Enfin, elle change la nature même de la relation entre la collectivité et l’usager dont le comportement va davantage se rapprocher de celui d’un client.
Les décisions prises sont ainsi débattues, contestées voire attaquées en justice. Mais, au final, si l’obligation de transparence, l’implication des citoyens et la recherche de la performance économique et écologique aboutissent à un service public plus adapté aux attentes et en phase avec les aspirations environnementales de la population, n’est-ce pas une belle réussite pour la démocratie ?