Faire confiance aux Départements pour que cesse le développement anarchique de l’éolien
La France est entrée dans une véritable marche forcée du développement de l’éolien terrestre.
Alors que nous peinons à tenir nos engagements européens en la matière, le Gouvernement entend porter à 40 % la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie, à l’horizon 2030, avec un prévisionnel de triplement de la capacité de production des éoliennes.
Ces perspectives exponentielles se heurtent à une saturation géographique critique et à un déséquilibre criant au niveau national puisque la moitié de la puissance du parc national est située dans les régions Grand-Est et Hauts-de-France, avec des enjeux environnementaux, sanitaires, économique et sociaux sous évalués et rejetés du débat public.
Dans ce contexte, la Charente-Maritime doit faire face aux erreurs du passé et aux errances du présent. Le développement des implantations dans le Département a été fulgurant : en 2008, nous ne comptions que 2 parcs en fonctionnement et les projections de capacité de production lui étant imparties s’élevaient à 80 Mégawatt (MW). Nous en sommes actuellement à 168 MW hors parcs autorisés avec 275 éoliennes en capacité de fonctionnement pour un prévisionnel de 490, faisant de La Charente-Maritime la productrice de plus du tiers de la puissance installée dans la Région Nouvelle-Aquitaine.
A partir de l’adoption par le Conseil Régional de Poitou-Charentes de son schéma régional de l’éolien, en 2006, les parcs éoliens se sont implantés en dehors de toute planification territoriale équilibrée et aux dépens des aspects environnementaux qui ont été dramatiquement négligés. Le Conseil d’Etat a reconnu sévèrement ces graves manquements, en février 2018, par l’annulation du schéma régional de la Région Poitou-Charentes de 2012 qui avait jugé bon de ne procéder à aucune évaluation environnementale préalable.
En l’état de la prolifération anarchique des éoliennes, nous sommes fondés à nous interroger sur l’improbable soutenabilité des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie. La question se pose de manière urgente : comment la Charente-Maritime va-t-elle pouvoir supporter l’objectif de triplement de la production des parcs éoliens alors qu’elle est déjà saturée ?
D’autant plus qu’à la saturation s’ajoute la démesure, avec le projet pharaonique du parc éolien de l’estuaire de la Gironde, qui met en danger la vie de la biodiversité dans une zone classée Natura 2000.
Cette situation d’alerte appelait une réaction responsable du Département, qui a demandé un moratoire au Préfet pour stopper toute nouvelle implantation pendant deux ans, et ainsi prendre le temps d’évaluer avec pertinence les projets d’implantation.
Les travaux de l’Observatoire de l’éolien, que nous avons créé à cet effet, témoignent d’ailleurs de l’incompréhensible impasse qui est faite sur l’acceptabilité locale, avec un mépris des avis des élus et des associations qui sont démunis face aux contournements mercantiles d’une législation et d’une réglementation inadaptées.
Cette mobilisation commence à porter ses fruits : le projet de l’estuaire est en voie de redéfinition, en évoluant vers l’élaboration d’un mix énergétique respectueux de l’environnement humain et naturel et la Région a pris acte de l’inégalité de la répartition géographique des éoliennes et préconise un rééquilibrage infrarégional. Mais la vigilance demeure tant que les Collectivités directement impactées, et en premier lieu les Départements, n’auront pas retrouvé leur mot à dire.
Il faut remettre l’échelle départementale au cœur du système décisionnel et lui donner une valeur juridique opposable. Pour répondre à la suppression des zones de développement de l’éolien, qui a redonné la main aux opérateurs privés qui font de la surenchère locale, il est urgent de mettre en place un schéma départemental de l’éolien co-construit au sein d’une instance de concertation dédiée.
Il ne s’agit pas d’instituer les Départements en organes punitifs mais de leur donner des attributions claires pour pallier l’absence de vision connue et partagée par les différents échelons territoriaux qui est un véritable frein en matière de transition énergétique.
Le nouvel acte de décentralisation qui s’amorce doit déboucher sur des nouvelles compétences pour les Départements en matière de transition énergétique afin de leur permettre de conserver la maîtrise du développement territorial des projets et d’en faire les relais indispensables des politiques publiques environnementales.