9 novembre 2020

Quel est le statut juridique de nos églises ?

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Cet article est issu d’un éditorial de Mgr Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux, paru dans le journal diocésain de Gironde de Mars 2018, suite à la rencontre du 8 mars entre les maires de la Gironde et les curés des secteurs pastoraux des Terres de Gironde.

Le jeudi 8 mars, s’est tenue à la Maison Saint Louis Beaulieu une importante rencontre entre les curés et les maires des différentes communes de Gironde. Avaient été invités tous les maires du département, sauf ceux de l’agglomération bordelaise (ceux-ci le seront une prochaine fois). Le thème de la rencontre était : Comment, ensemble, prendre nos églises en charge ? Des représentants de la Direction régionale des Affaires culturelles, de la Région Nouvelle Aquitaine, du Département et de diverses associations de sauvegarde du Patrimoine ont participé activement à cette rencontre.

Nous n’avons pas abordé la question des églises construites après 1905. Celles-ci sont propriétés de l’Association diocésaine qui les prend totalement en charge. La réunion a traité de la situation des églises construites avant 1905.

Être au clair sur le statut juridique de ces églises.

La loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, puis celles du 2 janvier 1907 et du 13 avril 1908 ont précisé leur statut juridique. Ces églises sont propriétés des communes. Ce sont elles qui doivent veiller à l’entretien du bâtiment. Appartiennent aussi à la commune le mobilier fixe (autel, chaire, orgues, table de communion) mais également les objets liturgiques qui figurent dans la liste des inventaires faits en 1906. Ces églises ont été mises à la disposition des fidèles catholiques et des ministres du culte « pour la pratique de leur religion ». Ces églises sont donc « affectées » au culte. Le curé, nommé par l’évêque, est l’affectataire, c’est-à-dire le représentant légal de l’affectation. La jurisprudence a précisé que cette affectation était légale (elle a force de loi), gratuite (on ne peut pas faire payer l’entrée dans une église), exclusive (l’église est consacrée au culte catholique) et perpétuelle (une commune ne peut pas reprendre son église et s’en séparer, sauf désaffectation officielle qui suit des règles strictes de procédure). Le maire ne peut intervenir dans l’organisation du culte et le curé ne peut procéder à des travaux touchant le bâtiment ou le mobilier fixe sans l’accord de la commune. Si l’église est classée ou inscrite à l’inventaire des Monuments historiques, l’architecte des bâtiments de France et la Direction régionale des Affaires culturelles devront être consultés avant tout travaux. Pour l’aménagement de l’espace liturgique, l’avis de la Commission diocésaine d’Art sacré devra être sollicité. La jurisprudence administrative a statué sur les responsabilités respectives de la commune propriétaire et de l’Église affectataire (en particulier dans l’importante circulaire du 29 juillet 2011, du Ministère de l’Intérieur). Maires et curés, communes et paroisses sont ainsi appelés à collaborer dans cette prise en charge concertée des églises communales.

Soutenir ce souci du patrimoine

Il est à noter qu’un bon nombre de communes portent le souci de leur patrimoine et y investissent des sommes, qui, pour de toutes petites communes, restent encore importantes malgré les subventions obtenues, (Je pense à la commune de Bossugan qui compte…50 habitants !). Aujourd’hui, beaucoup de nos contemporains sont attachés au patrimoine, à tout ce qui nous vient des générations qui nous ont précédés et que nous avons la responsabilité de transmettre en bon état aux générations qui viennent. Dans les villages, les Associations des « amis de l’église de… », quand elles existent, peuvent être très utiles pour mobiliser l’opinion publique, pousser un dossier, récolter de l’argent, à condition de travailler en concertation avec le curé et la municipalité.

Habiter nos églises

Si ces églises ont été mises au service des fidèles pour l’exercice du culte, il faut que celui-ci soit effectif, sinon, à plus long terme, l’affectation de telle ou telle église risque de se poser. S’il n’y a plus de messe, si l’église ne sert que très rarement, souvent pour un enterrement, si les fidèles ne la fréquentent plus, n’y prient plus, pourquoi encore affecter cette église au culte ? Des églises toujours fermées, poussiéreuses et mal entretenues ne sont plus que des vestiges du passé. Elles peuvent être vues comme signes d’une entreprise en voie de liquidation. Par contre, des églises ouvertes (au moins à certains jours), propres, bien entretenues, où des chrétiens viennent prier, organisent des temps de prière, sont le signe de communautés vivantes, qui témoignent d’un Dieu proche, d’un Dieu qui vient habiter au milieu de son peuple. Je suis frappé, en lisant les lettres de demande de baptême des catéchumènes adultes, de l’importance qu’ont eu pour un certain nombre d’entre eux l’entrée dans une église, la paix et le silence qu’ils y ont trouvées, la possibilité d’un vrai recueillement.

Bien sûr, tout de suite, se posent les questions de sécurité : si on ouvre l’église, comment éviter les dégradations et se prémunir contre les vols ? Ces questions ont occupé un temps notable de nos échanges. Nous ne sommes pourtant pas sans réponse à ces questions.

Notre synode diocésain a été l’occasion pour un certain nombre d’équipes synodales d’exprimer leur volonté d’habiter davantage nos églises et de les faire vivre. C’est un chantier que, à la suite du pape François je ne peux qu’encourager : « L’Église est appelée à être toujours la maison ouverte du Père. Un des signes concrets de cette ouverture est d’avoir partout des églises avec les portes ouvertes. De sorte que, si quelqu’un veut suivre une motion de l’Esprit et s’approcher pour chercher Dieu, il ne rencontre pas la froideur d’une porte close » (La Joie de l’Evangile, n° 47).

Accueillir dans nos églises

Actuellement se multiplient des demandes d’utilisation culturelle des églises, pour un concert, une exposition…Certains maires argüent de cette utilisation culturelle pour recueillir une adhésion plus large de membres de leur conseil municipal ou de leurs administrés qui ne sont pas immédiatement sensibles à la dimension religieuse de l’édifice. Pour des bâtiments affectés exclusivement au culte, cette utilisation ne peut être qu’une tolérance. Mais ces activités culturelles peuvent être l’occasion d’un accueil un peu large et d’une première évangélisation. L’opération annuelle La nuit des églises et des propositions de visites (ou de parcours) touristiques entrent dans cette perspective. Pour un concert ou une exposition, ce qui sera exécuté ou sera montré doit être respectueux du caractère religieux de l’édifice. C’est le curé qui doit donner son accord à l’accueil de cette manifestation.
Voilà bien des questions qui se posent sur le terrain et qui ont été abordées lors de la réunion du 8 mars dernier. L’envie a été exprimée par les différents partenaires de poursuivre leur réflexion et de renforcer leur collaboration. Oui, cette prise en charge concertée de nos églises est un beau chantier pour notre Église diocésaine et notre département.