4 septembre 2020

Ecologie et santé : cessons d’être aveugle

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Le cas des espèces invasives 

En matière d’écologie, les espèces invasives apparaissent comme un cas d’école d’un échec de l’action publique. Prenons l’exemple de l’ambroisie, cette plante hautement allergène qui colonise le territoire national.

Les cartographies présentées par l’Observatoire des ambroisies montrent, d’année en année, une progression inexorable de l’invasion de cette espèce. Actuellement, toutes les régions métropolitaines sont envahies, et dans certains secteurs, les niveaux d’infestations sont tels que les spécialistes parlent non d’une éradication – action qui est désormais impossible- mais d’une gestion de la plante.

Par les allergies qu’elle provoque, l’ambroisie est une menace réelle pour la santé publique. La région Aquitaine est la 2ème région la plus impactée derrière l’Auvergne-Rhône-Alpes. Chez cette dernière, près de 10% de la population a consommé des soins en lien au pollen d’ambroisie pour un coût global de 40,6 millions d’euros. Si l’ensemble de la France était aussi touché, il y aurait 5.3 millions de personnes allergiques et 326 millions d’euros de dépenses de santé annuelles. L’asthme provoqué par l’ambroisie fait partie des facteurs aggravants pour les personnes atteintes par la covid-19. L’ambroisie est également un fléau pour l’environnement – elle provoque des pertes de biodiversité et un envahissement des cours d’eau – et pour l’agriculture – elle se développe en priorité sur les champs non couverts où elle provoque pertes de rendement et dévaluation des sols. Il a été estimé qu’au moins 4% des surfaces agricoles françaises sont infestées par l’ambroisie. La présence de cette plante dans les cultures françaises aurait un coût de l’ordre de 170 millions d’euros par an.

D’où vient le problème alors ?

L’ambroisie est un mal diffus qui ne connaît pas les frontières administratives, et il n’y a pas de lutte possible si tous les acteurs ne se sentent pas concernés. La législation française a intégré en 2016 des dispositions visant à lutter contre l’ambroisie. Depuis, celles-ci ont été déclinées dans 45 arrêtés préfectoraux. Mais le véritable problème est que la loi ne prévoit pas de lutte obligatoire contre l’ambroisie, ce qui la prive de toute efficacité. Dans une enquête menée en janvier 2019 par l’Alliance contre les Espèce Invasives auprès des élus de Charente et de la Drôme, 84% des répondants étaient favorables à rendre cette lutte obligatoire.

L’organisation de la lutte contre le fléau de l’ambroisie soulève un second dysfonctionnement majeur : l’Etat n’assume pas la conséquence de ses choix. S’il doit donner l’obligation d’agir (ce qui n’est pas encore tout à fait le cas), il doit aussi en donner les moyens techniques et financiers aux élus et aux agriculteurs. Il doit sortir de l’aveuglement sur les coûts directs portés par certains. On connait les conséquences de l’inaction : c’est une expansion de l’ambroisie sur le territoire. L’Etat doit voir que, s’il impose des normes pour lutter contre des espèces qui tuent la biodiversité, il doit financer les coûts induits dans les communes et chez les agriculteurs.

En réalité, les élus et les agriculteurs (et leurs filières) sont laissés seuls. C’est pour cette raison que l’Alliance contre les espèces invasives demande que l’ambroisie soit reconnue comme organisme nuisible à l’agriculture – afin de rendre sa lutte obligatoire sur l’ensemble du territoire français et que l’indemnisation des agriculteurs soit possible, lorsque ceux-ci ont mis en place les moyens de lutte nécessaires sur leur terrain.

contact : contact@especes-invasives.fr

Vincent You, adjoint au maire d’Angoulême et VP de GrandAngoulême, chargé de la stratégie agricole et Philippe de Goustine, délégué à la lutte contre l’ambroisie à Génissieux dans la Drôme et fondateur de StopAmbroisie