Restitution de la conférence du jeudi 05 sept (jérome Fourquet, « l’archipel français »)
.
.
Dans le cadre des conférences organisées par le RELPA, nous recevions jeudi 05 septembre dernier à Bordeaux, Jérôme Fourquet directeur du département Opinion et Stratégies d’Entreprise de l’institut de sondages IFOP, pour nous présenter son dernier livre « l’archipel français ».
Jérôme FOURQUET fait le constat que la France se fragmente depuis quelques années au point de devenir une sorte d’archipel.
Qu’entend-t-il par le verbe « fragmenter » ?
Selon lui, la France avait une structure sociétale fondée sur deux grands piliers : la religion catholique plutôt conservatrice et de droite d’une part, et la pensée ouvrière de gauche d’autre part, à l’origine de bon nombre de réformes entourant les conditions de vie au travail par exemple. Ces deux piliers formaient une ossature qui encadrait beaucoup d’usages partagés (l’attribution des prénoms, le cadre de vie, les coutumes, les relations au travail). Peu à peu ces deux piliers majeurs se sont dissous.
Quels signes apparents peuvent démontrer cela ?
L’attribution des prénoms par exemple :
Dans les années 50, 2 000 prénoms sont utilisés, contre 13 000 aujourd’hui. Cette évolution dans l’attribution des prénoms démontre une montée de l’individualisation de la société car parmi les 13 000 prénoms attribués chaque année aux 780 000 naissances, 50 000 enfants ont un prénom qui n’est retrouvé qu’une seule fois voire 2 au maximum dans toute la France cette année là.
L’autre phénomène mis en exergue par l’attribution des prénoms est la montée d’une certaine volonté de marquer culturellement sa descendance en attribuant un prénom qui découle de son origine. En 1950, 1% des prénoms donnés étaient d’origine hispanique (espagnole ou portugaise) et 0% étaient d’origine nord africaine. Aujourd’hui 2% des prénoms attribués chaque année sont d’origine hispanique et 21% sont d’origine Nord-Africaine.
Outre l’attribution des prénoms, la fragmentation du pays se traduit par un changement du cadre anthropologique de la société. En effet, le rapport avec la mort à changé, tout comme le rapport avec la vie, le rapport aux obsèques ou encore le rapport avec les animaux.
Autre signe apparent d’une fragmentation est le regroupement des « élites », étant retenue comme élite les 20% des français ayant fait plus de 3 années d’études supérieures. Jérôme FOURQUET fait ainsi état d’une concentration de ces élites à la fois géographiquement et médiatiquement.
Géographiquement d’abord, observée non seulement dans notre capitale (en 1950 il y avait que 20% de cadres à Paris contre 55% aujourd’hui), mais aussi dans certaines villes et départements de France (+ de 50% de cadres dans les départements des Hauts de Seine ou les Yvelines par exemple).
Médiatiquement ensuite par une concentration des élites dans la profession journalistique, avec des conséquences visibles comme une certaine polarisation dans les sujets abordés. Jérôme FOURQUET, prend ainsi l’exemple du ski : tout le monde a pu constater qu’il y a de décembre à début mars des sujets quasi-quotidiens dans tous les journaux télévisés qui concernent le ski. Il y a même, pendant cette période là, une météo des neiges qui accompagne la météo « classique », alors il n’y a que 5% de la population qui va au ski et qui en a les moyens ! C’est selon Jérôme FOURQUET une marque supplémentaire d’une fragmentation de la société et d’un repli sur soi de chaque catégorie de la société.
Au fond chaque catégorie ne parle qu’à sa propre catégorie.
Autre exemple que prend Jérôme FOURQUET pour étayer sa démonstration, c’est la diminution flagrante du « brassage social« .
Il explique notamment, qu’autrefois, dans les villes et villages, l’enfant du dirigeant de l’entreprise du coin côtoyait à l’école l’enfant de l’ouvrier agricole ou l’enfant du médecin autant que l’enfant de l’ouvrier en usine. Or pendant des années, les établissements privés sous et hors contrats se sont énormément développés, au point que ces établissements sont pris d’assaut par ceux qui en ont les moyens.
Aujourd’hui, de moins en moins de médecins, par exemple, posent leurs valises dans les villages. Ils habitent souvent dans la grande ville centre la plus proche et ne vont dans les villages que la journée pour travailler, ce qui n’arrange pas le brassage social dans la mesure où leurs enfants sont alors scolarisés dans les grandes villes.
Enfin, dernier exemple très préoccupant de cette fragmentation de la société : la journée du 14 juillet 2019 sur les Champs Elysées. Ce lieu hautement symbolique de la capitale fut le témoin de trois rassemblements successifs de groupes n’ayant rien de commun entre eux : De 8h à 12h c’était le lieu du défilé militaire traditionnel, de 15h à 18h ce fut le lieu d’affrontements importants des gilets jaunes avec les forces de l’ordre, et à partir de 23h c’est une nuée de drapeaux algériens qui dégringolèrent sur l’avenue pour fêter la victoire de l’Algérie à la coupe africaine des nations.
Le constat est sévère : notre société se fragmente, se disloque et se replie sur elle-même et ce n’est peut-être que le début …
Après un temps d’échange avec les nombreux participants il a clôturé son intervention avec un temps de dédicace de son dernier ouvrage.
Vous pouvez exprimer votre sentiment sur ses principales constatations : https://relpa.fr/consultations/